Quel est l’enjeu de la réforme des retraites ?

La réforme des retraites concerne les futurs retraités

Le grand chantier de la réforme des retraites promise par le président Macron est lancé. La réforme envisagée se place dans la continuité d’un système de retraite obligatoire et solidaire. Elle vise même à renforcer la solidarité en remplaçant le millefeuille actuel des 42 régimes de retraite par un système universel de retraite par points où « 1 euro cotisé = même droits ».

Ce nouveau système serait plus simple, plus juste, mieux adapté à l’évolution de la société, et plus viable financièrement.

Cependant, il ne faut pas se faire d’illusion, même si un euro de cotisation ouvrira les mêmes droits à tous, ces droits diminueront. Quelle que soit la réforme, le rendement des cotisations diminuera à cause du vieillissement de la population.

Qui est concerné par la réforme des retraites ?

Les personnes concernées sont avant tout les actifs, les futurs retraités.

La réforme n’en est qu’au stade de la concertation, de la consultation du public et des partenaires sociaux. Le seul calendrier connu est celui de l’élaboration du projet de loi qui devrait être soumis au parlement courant 2019. En admettant que la loi soit votée en 2019 ou 2020, il faudra ensuite compter 5, voire 10 ans, avant que la transition vers le nouveau système de retraite soit complétée.

Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites a tenu à rassurer les retraités et les personnes « proches de la retraite » que la réforme ne les concernait pas.

Cependant une réforme qui touche aux caisses de retraite aura forcément un impact sur les retraités. De même, les personnes « proches de la retraite » ont des raisons de s’inquiéter car les périodes de transition sont souvent difficiles. La réforme des retraites pourra influer leur décision d’avancer ou de retarder leur date de départ en retraite.

Qu’est-ce que la réforme des retraites ne change pas ?

La réforme ne transige pas sur le principe d’un système de retraite obligatoire et solidaire. Le système de retraite par répartition est maintenu car il est considéré par le gouvernement comme plus protecteur, plus en accord avec le modèle de société français, et plus durable.

  • La retraite par répartition : Dans un système de retraite par répartition, les cotisations des actifs financent les pensions des retraités au même moment. C’est un système d’assurance collectif et non un système d’assurance individuelle, comme le serait une retraite par capitalisation où la rente de chacun dépendrait du rendement de son épargne et des aléas des marchés financiers.
  • La solidarité : Les cotisations de retraite sont obligatoires et universelles. Tous les actifs doivent cotiser. La solidarité s’exerce entre les générations, entre actifs et retraités, avec les familles qui élèvent les futurs cotisants, et avec les plus faibles : chômeurs, handicapés, malades qui reçoivent des bonifications ou des majorations de droits.

Malgré le vieillissement de la population qui fait augmenter le nombre de retraités bien plus vite que le nombre d’actifs, le gouvernement considère la retraite par répartition comme un modèle plus durable, plus résistant aux crises économiques et démographiques, qu’un système moins solidaire qui, comme la retraite par capitalisation qui renforce les inégalités.

Qu’est-ce que la réforme des retraites va changer ?

Le but de la réforme est de remplacer le « millefeuille » actuel des 35 caisses et 42 régimes de retraite par un système universel de retraite où les règles seront communes à tous.

Un euro cotisé ouvrira les mêmes droits quels que soit le métier (agriculteur, cheminot, médecin, notaire, militaire…) et le statut (salarié, indépendant, fonctionnaire).

Les avantages de ce nouveau système :

  • Plus simple: Les 42 régimes de retraites actuels ont tous des règles différentes, avec par exemple, 13 règles différentes pour les pensions de réversion et 30 définitions différentes de ce qu’est un trimestre et comment le valider ! Après la réforme, les règles du système universel de retraite par points (ou en « comptes notionnels, ce qui est sensiblement la même chose) seront les mêmes pour tous les métiers et tous les statuts.[i]
  • Plus juste: Les différences actuelles entre les régimes, notamment entre le régime général et les « régimes spéciaux », font que deux personnes ayant le même salaire et la même durée de travail peuvent obtenir des droits de retraite très différents – sans que ce soit toujours celui ou celle qui a le plus cotisé qui aie la meilleure pension ! Le système universel mettra fin à ces situations. Un même salaire donnera lieu aux mêmes cotisations et ouvrira les mêmes droits.
  • Mieux adapté aux évolutions de la société: Les régimes de retraite spécialisés par statut et métier ne correspondent plus aux carrières longues et sinueuses de la vie moderne. Un retraité aujourd’hui a cotisé en moyenne à plus de 3 régimes différents. Pour ceux et celles qui ont cotisé à 5 ou 6 régimes, faire valoir ses droits peut être un vrai cauchemar. Après la réforme, un actif pourra facilement accumuler des points sur son compte à travers ses changements de carrière entre salarié, fonctionnaire ou travaille indépendant.
  • Viable financièrement : Actuellement les retraites ne sont que partiellement financées par les cotisations. Certaines caisses en subventionnent d’autres. L’État, le fonds de solidarité vieillesse et d’autres organismes subventionnent le déficit global qui, à cause du vieillissement de la population, ne fait que s’aggraver. L’objectif est de revenir à un système autosuffisant. Le système de retraite par point permettrait, par exemple, d’adapter le montant des retraites, par la valeur du point ou son taux de conversion, en fonction de l’évolution démographique.

 

Il s’agit quand même aussi d’éviter la faillite des systèmes de retraite

Le gouvernement veut présenter la réforme sous son jour le plus positif. L’accent est mis sur la création d’un système plus juste et plus pérenne, sur le projet de société.

On comprend bien que le gouvernement veuille cesser de présenter une réforme des retraites sur le mode démotivant de la menace : « c’est ça ou la faillite du système ». C’est pourtant bien aussi de cela qu’il s’agit. Comme on l’a déjà écrit ici, à cause du vieillissement de la population, la proportion des actifs par rapport aux retraités ne cesse de baisser. Le gouvernement cite le chiffre de 1,7 actifs pour 1 retraité. C’est peu. Mais le nombre d’actifs cotisants par retraité est encore bien plus bas: Il y a aujourd’hui 1,3 actifs cotisants par retraité alors qu’il y en avait 6 en 1945 au moment de la création de notre système de retraite !

Sans réforme, le déficit des régimes de retraite ne peut que s’aggraver.

Pour un même euro de cotisation, on aura tous les mêmes droits… en baisse

Il ne faut donc pas se faire d’illusion. Quelle que soit l’issue de la réforme, nous aurons peut-être tous les mêmes droits pour un euro de cotisation, mais ils seront en moyenne moindres qu’avant.

L’harmonisation des différents régimes en un système universel de retraite par points ou en « compte notionnel » permettra d’ajuster les retraites à la baisse pour compenser le déficit croissant du système de retraite par répartition.

Pour illustration, c’est exactement ce qui s’est passé ces dernières années avec le régime des points de retraite complémentaire des salariés AGIRC ARRCO. La valeur des points est gelée depuis 2012 au lieu d’être revalorisés pour tenir compte de l’inflation.

Le rendement de vos cotisations baissera.

[i] Ce qui n’exclu pas la possibilité de garder certaines spécificités.