Pourquoi les professions libérales doivent-elles investir pour leur retraite ?

Votre retraite de base sera faible

En tant que travailleur non salarié d’une profession libérale, vos pensions des régimes de retraite obligatoires seront généralement très basses par rapport à vos revenus d’activité. Plus vos revenus sont élevés, plus vous devez impérativement vous constituer vous-même votre retraite pour maintenir un bon niveau de vie. Plus vos revenus sont bas, plus il est rentable pour vous de cotiser.

Les professionnels exerçant une activité libérale sous un statut de non-salarié (indépendant, société unipersonnelle, ou gérant de société[i]) cotisent pour la retraite de base à Caisse nationale d’assurance vieillesse des Professions Libérales (CNAVPL) et pour leur retraite complémentaire à une des 10 caisses professionnelles :

  • médecins (CARMF), dentistes et sages-femmes (DARCDSF), vétérinaires (CARPV), pharmaciens (CAVP), infirmiers, kinésithérapeutes (CARPIMKO), notaires (CPRN), experts-comptables (CAVEC), officiers ministériels (CAVOM), agents généraux d’assurance (CAVAMAC), architectes, géomètres, ingénieurs indépendants, consultants ou traducteurs-interprètes (CIPAV).

Par délégation de la CNAVPL, ce sont les caisses professionnelles qui assurent la gestion quotidienne de toutes les cotisations et des droits de retraite obligatoire (retraite de base et retraite complémentaire).

Votre retraite de base sera faible

Si vous exercez une profession libérale en tant qu’indépendant, votre taux de cotisation sera inférieur au taux de cotisation des salariés qui cumulent cotisation salariale et patronale. Mais votre pension sera également plus basse.

Le système de la retraite de base géré par la CNAVPL et commun à toutes les caisses a la particularité d’être un régime par points. Les cotisations de l’adhérent permettent d’acheter des points ‒ chaque point ouvrant droit à des points de pension (appelés « points de service »).

Les taux de cotisation ont beaucoup évolué dans le temps, ce qui fait que les points acquis varient selon les années d’activité. En 2018, deux taux de cotisations sont appliqués aux revenus dans la limite de 1 fois et 5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS = 39 732 euros).

  • La 1ere tranche (T1) au taux de 8,23% est plafonnée à une fois le PASS. Elle permet d’acquérir au maximum 525 points par an.
  • La tranche supérieure (T2) au taux de 1.87% est plafonnée à 5 fois le PASS. Elle permet d’acquérir au maximum 25 points.

 

Notez combien le rendement des cotisations dans la tranche supérieure est faible : même si vous cotisez au plafond vous n’obtenez que 25 points ! Chaque point vous coûte beaucoup plus cher et pourtant il vous rapportera le même montant de retraite.[ii]

Les conditions d’âge légal, de nombre de trimestre nécessaires pour la retraite à taux plein et de décote applicable en cas de trimestres manquants sont identiques à celles applicables aux salariés du régime général. En revanche, le taux de surcote en cas de départ après l’âge d’annulation de la décote est inférieur (0,75% au lieu de 1,25%)

La retraite de base est égale à : valeur du point x nombre de points x décote/surcote

Les faibles cotisations, le démarrage tardif de l’activité, l’exonération de cotisation pendant les premières années d’activité (ACCRE), l’irrégularité des revenus par la suite, conduisent à une retraite de base des professions libérales non salariées en moyenne moins élevée que la retraite de base des salariés.

Votre retraite complémentaire est également plafonnée

La retraite complémentaire sera la principale composante de votre pension des régimes de retraite obligatoires. La retraite complémentaire est également une retraite par points.

La retraite complémentaire est égale à : valeur du point x nombre de points x décote/surcote

Cependant les conditions de cotisation, le nombre et la valeur de service des points sont très différentes selon la caisse professionnelle à laquelle vous cotisez.  Quelques exemples suffisent à illustrer ces grandes différences :

  • Les notaires cotisent en fonction de 8 tranches de revenus et 2 sections, le plafond de revenu cotisable étant de 1.053.438 d’euros en 2017.
  • Les officiers ministériels cotisent au taux de 12.5% de leur revenu dans la limite d’un revenu de 8 fois le PASS, soit 308.928 euros en 2017.
  • Les médecins cotisent pour 9.7% de leur revenu, dans la limite d’un revenu de 3.5 fois le PASS, soit 137.298 euros en 2017.
  • Les chirurgiens et les sages-femmes acquittent une cotisation forfaitaire jusqu’à un revenu de 33.344 euros, puis une cotisation proportionnelle de 10,60% au-delà, jusqu’à un plafond de revenu de 5 fois le PASS, soit 196.140 euros en 2017.

Si vous êtes médecin, votre cotisation maximale de 13.318 euros par an en 2017 vous procurera évidemment une pension de retraite complémentaire bien inférieure à celle offerte par les cotisations maximales d’un notaire !

Mais les notaires sont une exception.

D’une manière générale, en tant que travailleur non salarié en profession libérale, plus votre revenu est élevé, plus l’écart entre votre revenu d’activité et votre pension des régimes de retraite obligatoire sera grand. Vous devrez impérativement épargner et investir pour maintenir votre niveau de vie à la retraite.

Conclusion : Les paradoxes des cotisations de retraite des indépendants en profession libérale

En tant que travailleur non salarié exerçant une profession libérale, vous pouvez être tenté de voir de faibles cotisations ou des exonérations de cotisations de retraite comme un avantage. Ce serait oublier que votre pension des régimes de retraite obligatoire sera également basse.

En réalité, le taux de remplacement de vos revenus d’activité par vos pensions des régimes de retraite obligatoire sera généralement entre 30% et 50%, contre 50% à 90% pour les salariés.

Les exonérations, surtout si elles se répètent, réduisent vos droits de retraite et vous obligent à travailler plus longtemps pour ne pas subir de décote.

Cela peut paraître paradoxal mais plus votre revenu est bas, plus vous avez intérêt à cotiser car le rendement de vos points de retraite, les droits qu’ils acquièrent, sera élevé.

Plus votre revenu est élevé, plus vous avez intérêt à investir en sus de vos cotisations de retraite obligatoire, car le rendement de vos points de cotisation sera moins élevé et l’écart entre votre pension et vos revenus d’activité antérieurs sera plus grand.

 

[i] Le statut de micro-entrepreneur est traité à part, voir article « Pourquoi les micro-entrepreneurs de profession libérale ont-ils intérêt à cotiser ? »

[ii] Depuis le 1er octobre 2017, la valeur du point CNAVPL est de 0,5672 €.