Consultation publique sur la réforme des retraites : la grande illusion
Au lieu d’éclaircir la question très complexe du système des retraites obligatoires, la consultation publique sur la réforme des retraites entretient les illusions et crée même de faux espoirs. En cause : la déconnexion de la réalité économique. La consultation invite les citoyens à se prononcer sur des mesures d’attribution de droits sans évoquer leurs coûts et leurs conséquences économiques. Les participants se prononcent alors en grande majorité pour la maximisation des droits individuels. Ils seront certainement déçus.
En mai de cette année le gouvernement a lancé une consultation publique sur la réforme des retraite. La réforme se donne pour tâche, extrêmement ambitieuse et difficile, d’arriver à un système de retraite universel qui serait « plus simple, plus juste, pour tous » et où un euro cotisé donnerait à chacun les mêmes droits.
On ne parle pas d’argent avec le grand public
Dès l’entrée de la consultation publique, le ton est donné : « Le débat sur la réforme de notre système de retraite ne peut se limiter à des questions d’équilibre budgétaire, ou à la seule question du montant des retraites. » En clair, on ne parle pas de gros sous mais « des principes d’équité, de justice et de solidarité. »
Loin de « se limiter » aux facteurs économiques, la consultation les occulte carrément.
Pas de mention du coût et de l’impact économique des mesures concernées. Tandis que le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, discute chiffres avec le patronat et les syndicats, le grand public est maintenu à l’écart de ces discussions.
Les participants espèrent une maximisation des droits
Dans la mesure où le coût des différentes mesures n’est jamais évoqué, il n’est pas étonnant que les participants à la consultation se prononcent en grande majorité pour une maximisation des droits individuels.
Deux exemples que nous avons déjà évoqués ici :
- 83% approuvent la proposition de pouvoir « partir à la retraite quand on le souhaite », « laisser à chacun une totale liberté de décider de son âge de départ à la retraite, en l’informant des conséquences de son choix sur le montant de la retraite. »
- 81% approuvent la proposition de verser la pension de réversion sans aucun critère d’âge pour le conjoint survivant qui « permettrait de toucher immédiatement la retraite d’un conjoint retraité décédé sans attendre 55 ans quand on a des enfants à charge. »
Qui paiera ?
Mais qui paiera pour les nouveaux avantages ?
Le Haut-Commissaire, Jean-Paul Delevoye, affirme que la réforme se fera « à moyens constants ». Globalement le système sera à budget constant, la suppression de certains avantages spécifiques, notamment ceux des régimes spéciaux, permettant de financer de nouveaux avantages plus justes car les mêmes pour tous.
Cette vision d’une possible réforme à moyens constants est très optimiste. Nous ne partageons pas cet optimisme. Les retraites obligatoires sont actuellement en déficit et ce déficit s’aggrave.
Le système de retraite post-reforme restera un système de retraite par répartition dans lequel les pensions des retraités sont financées par les actifs cotisants au même moment. Or les actifs cotisants ne sont actuellement que 1,3 par retraité, une proportion qui baisse constamment. Supprimer les conditions d’âge et de durée d’assurance minimum, comme le prônent les participants, ferait chuter cette proportion encore plus vite.
L’inévitable désillusion
La consultation publique montre que les participants ne sont pas prêts à lâcher les avantages acquis. Elle élude les questions des inévitables perdants. Elle fait espérer de nouveaux avantages en ne donnant par les repères économiques permettant de juger leur impact sur le système.
Elle entretient donc des illusions très dommageables.
Une occasion ratée de participer à l’éducation économique
Les citoyens sont extrêmement préoccupés par leur avenir économique. Ils sont conscients de la pression démographique sur les retraites. Ils ont le droit de connaître l’impact économique des différentes options de solidarité.
Alors même que le gouvernement lance des initiatives pour une meilleure éducation économique et financière du public français, le commissariat à la réforme des retraites rate une occasion de contribuer à cette éducation.
Bonus
Pour finir sur une note plus amusante, les rares suppressions d’avantages acquis qui sont approuvées à quasiment 100% par les participants à la consultation sont les nombreuses propositions du public concernant la suppression des régimes spéciaux de retraite des élus de la République !