Qui va payer le coût de la réforme des pensions de réversion?
La réforme des pensions de réversion attire l’attention sur une faiblesse majeure de la consultation publique sur la réforme du système de retraites obligatoires : l’absence de repères économiques, de réponse aux questions « combien ça coûte ? » et « qui va payer ?».
Par les pensions de réversion, la collectivité finance le versement d’une partie de la retraite des défunts à leur conjoint survivant. Ces pensions concernent actuellement plus 4,4 millions de personnes soit un retraité sur quatre.
C’est donc un enjeu à très fort impact économique. Pourtant, les participants à la consultation sur les propositions de réforme des conditions d’attribution des pensions de réversion sont appelés à se prononcer sur des propositions non chiffrées. Il est difficile d’évaluer combien de personnes seraient positivement ou négativement affectées par chacune de ces propositions et combien elle coûterait à la collectivité ou lui permettrait au contraire d’économiser.
En ne mettant pas ouvertement la réforme dans le contexte du retour à l’équilibre économique du système de retraite obligatoire, la consultation risque de créer de faux espoirs.
Des propositions ou des souhaits irréalisables ?
Les quatre premières propositions de réforme concernent les conditions d’attribution des pensions de réversion. Certaines sont approuvées, d’autres sont rejetées par les votes des participants à la consultation sans que l’on ait même une idée de combien de personnes seraient impactées positivement ou négativement, et ce que les changements proposés coûteraient ou permettraient au contraire à la collectivité d’économiser :
- Plafonner le bénéfice de toutes les pensions de réversion en fonction des revenus personnels du conjoint survivant.
Cette proposition revient à généraliser la limitation appliquée aujourd’hui seulement à la réversion de la retraite de base de la CNAV et non aux retraites complémentaires. Le conjoint survivant ne peut bénéficier de la réversion que jusqu’à atteindre un certain revenu total. Au-delà, il n’y a plus droit. Comme on ne sait pas quel niveau de revenu serait concerné, l’impact n’est pas clair. Les votants sont contre.
Résultat des 1 724 votes à ce jour 58% contre, 34% pour, 8% mitigé. - Définir un âge minimum pour toucher la pension de réversion de son conjoint
Il s’agirait de généraliser l’âge minimum pour bénéficier de la pension de réversion qui est de 55 ans ou 60 ans certains régimes actuels. Plus la limite d’âge est haute, plus on réduit la réversion. Les votants sont contre.
Résultat des 1 293 votes à ce jour : 61% contre, 31% pour, 8% mitigé - Verser la pension de réversion sans aucun critère d’âge pour le conjoint survivant
Cette proposition permettrait de toucher immédiatement la retraite d’un conjoint décédé sans attendre 55 ans quand on a des enfants à charge. C’est déjà le cas dans le régime de retraite de base des salariés, à partir de deux enfants. Les votants sont en grande majorité pour cette extension de la retraite en assurance décès. L’impact économique est difficile à évaluer.
Résultat des 1 586 votes à ce jour : 81% pour, 15% contre, 4% mitigé - Supprimer la pension de réversion si le conjoint survivant se marie ou s’il vit en concubinage.
Actuellement le remariage stoppe la réversion des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO. Les conjoints de fonctionnaires perdent la réversion dans tous les cas de reprise d’une vie en couple. Les participants au vote, sont pour cette mesure très restrictive.
Résultat des 1 586 votes à ce jour : 71% pour, 20% contre, 9% mitigé
Les participants rejettent la prise en charge par le couple
Les deux dernières propositions sont d’une nature très différente. Elles proposent de mettre les époux directement à contribution de la constitution de la pension de leur conjoint. Ce serait un grand changement car une personne mariée ne cotise actuellement que pour sa retraite personnelle. Les droits à pension de réversion des conjoints survivants en cas de décès de leurs conjoints sont des droits « dérivés », financés par la collectivité.
On voit que ces deux propositions sont rejetées par les participants.
- Introduire un mécanisme de partage des droits entre époux
Cette proposition réduit la solidarité collective et introduit la solidarité entre les époux. Ils se partageraient (en partie?) les droits de retraites qu’ils acquièrent comme ils se partagent les biens communs du couple. Les participants sont plutôt opposés à cette proposition.
Résultat des 1 132 votes à ce jour : 43% contre, 36% pour, 21% mitigé - Partage des droits à la retraite dans le cadre d’un divorce
Dans la même logique que la proposition précédente, les droits à la retraite seraient inclus (par une cession de points?) dans les compensations accordées lors d’un divorce.
Résultat des 487 votes à ce jour : 67% contre, 21% pour, 12% mitigé
Les participants rejettent donc l’idée d’un financement direct de la pension de réversion par les intéressés.
Des propositions non chiffrées créent de faux espoirs
Il est regrettable les propositions concernant les propositions ne soient pas économiquement chiffrées et que la question de leur financement ne soit pas plus clairement posée.
La réforme des retraites ne vise pas qu’à simplifier et rendre plus juste notre système de retraite par répartition, elle vise aussi à le faire revenir à l’équilibre. Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye se refuse à la placer dans ce contexte. Cela paraît pourtant inévitable étant donnée la baisse du nombre de cotisants par rapport au nombre de retraités.
Les participants feraient-ils les mêmes choix s’ils réalisaient que c’est la collectivité des cotisants et des retraités dont ils font partie, et non un mythique « Etat » aux ressources illimitées qui devra financer les pensions de reversions ?
A défaut de présenter les conséquences économiques des différentes options, on crée de faux espoirs. La déception risque d’être rude.